Selous Game Reserve/Nyerere National Park
Plus grand que la Suisse avec 54 600 km², deux fois plus grand que le Danemark, le Selous GR/Nyerere NP Game Reserve, la Réserve de gibier du Selous GR (je préfèrerais le terme de Réserve de faune du Selous GR mais c'est souvent traduit en français par Réserve de chasse du Selous...) doit son nom à Frederick Courteney Selous GR/Nyerere NP (31.12.1851-04.01.1917), chasseur et guide réputé, héros britannique tué au Tanganyika pendant la Grande Guerre. La réserve a été amputée en 2019 de plus de 30 000 km2 attribués à un nouveau parc national, le Nyerere NP.
Pour la plupart, les informations et renseignements sur le Selous Game Reserve sont applicables au Nyerere National Park qui en est issu
Frederick Courtney Selous GR
Selon les sources F.C. Selous est ou d'une famille d'origine jersiaise dont le nom Slow a été francisé au 17e siècle, ou d'une famille française huguenote nommée Selous qui a fui la France à la révocation de l'Édit de Nantes. Dans les deux cas, cela explique sans doute la prononciation sans le s final. Car on devrait prononcer Sélou, sans le s final "pronounce: seloo with final "s" silent", même si les Chamber's et Webster's Biographical Dictionary ne suivent pas l'avis du BBC Pronunciation Advisor. Avis qui est conforme à l'usage des Tanzaniens, ce qui me paraît le plus important, donc Sélou et pas Sélousse !
Arrivé en Afrique à 19 ans, il était vite devenu un chasseur accompli. Il aurait tué 1000 éléphants, mais il n'a pas été que chasseur, il a aussi écrit des livres naturalistes et a pris des mesures en faveur de la préservation de la nature. Ses livres l'ont rendu célébre, il a été considéré par ses contemporains comme le "Buffalo Bill africain". Il a notamment servi de guide à Theodore et Kermit Roosevelt dans leur expédition de collecte d'échantillons pour l'American Museum of Natural History (11 000 spécimens rapportés, près de 500 grands mammifères abattus) en 1909. Et c'est ainsi que Selous a servi de modèle au héros de Rigger Haggard, Allan Quatermain (et plus tard à Indiana Jones ?).
Il s'est engagé dans les troupes britanniques comme capitaine pendant la Première Guerre mondiale, il a été décoré de la D.S.O (Distinguished Service Order) en 1916 et il a été tué à 66 ans d'une balle dans la tête le 4 janvier 1917 lors d'un affrontement de son régiment, le 25th Royal Fusiliers, avec les troupes allemandes au nord de la réserve de chasse (région de Beho Beho). Il fut enterré en héros sur le lieu même de son décès. Sa tombe qui a été réhabilitée par le gouvernement tanzanien se visite, elle est située près du lac Tagalala, non loin de Beho Beho.
Vous pouvez voir ci-dessous les photos de F.C. Selous et de sa tombe :
Selous GR 2012Bords de lac au mois de janvier |
La réserve de gibier de Selous GR/Nyerere NP
C'est sous le Kaiser Guillaume II en 1896, quand le Tanganyika était une colonie allemande, que fut créée une réserve de chasse à l'emplacement de l'actuel Selous. En 1912 sa surface fut augmentée en trois réserves adjacentes, Mahenge, Mohoro et Matendu. Et c'est en 1922 que le nouveau colonisateur britannique unifia les trois réserves en une seule nommée Selous en mémoire de F.C. Selous GR. Jusqu'en 1945 la réserve fut habitée par des chasseurs, pêcheurs et des cultivateurs itinérants appartenant aux tribus locales, Wangindo, Wapogoro et Warufiji. Le peuplement était faible en raison de la pauvreté des sols et de la présence en nombre de tsé-tsé vecteurs de la trypanosomiase (Maladie du sommeil). Entre 1945 et 1947 les habitants furent déplacés hors de la réserve officiellement pour leur éviter la trypanosomiase après des épisodes épidémqiues. Après l'indépendance et l'union du Tanganyika avec Zanzibar, en 1964 le gouvernement tanzanien équipa la réserve de milliers de kilomètres de pistes, d'aéroports et de ponts. Beaucoup de ces infrastructures sont actuellement en mauvais état.
Seulement (sic) 2 500 km2 au nord de la Rufiji River étaient initialement réservés à la chasse photographique. C'est quand même la superficie du Luxembourg. Mais cette surface a été pratiquement doublée pour arriver à 10 % de la surface totale de la réserve. Et un autre territoire de 3 000 km2 au sud de la réserve, Lukula, a aussi été retiré à la chasse et concédé à une compagnie Great Plains, qui visait la conversion de cette zone de chasse au trophée en territoire de chasse photo. Faute de pistes, on y pratiquait surtout safari à pied et en bateau et le succès du projet n'est pas assuré. Il semble même qu'il ait été abandonné en 2014, sauf erreur...
Mais ce n'est pas à la pêche qu'était consacrée la plus grande partie de la réserve, mais à la chasse. Chasse à l'éléphant, au lion et au buffle principalement. En 1998 il avait été abattu 115 lions contre 53 "seulement" en 2008.
En juillet 2019, à l'occasion de la pose de la première pierre du barrage des Gorges Stiegler sur la Rufiji, le président de la Tanzanie a décrété la scission de la réserve avec affectation de 30 893 km2 pour la création du Nyerere National Park. Le Nyerere NP comprend bien évidemment toute la partie réservée à la chasse photo, mais il en fait plus de trois fois la surface avec l'annexion de 40 blocs de chasse. Les blocs de chasse restants au nombre de 10 sont situés à l'est de la réserve sur un peu plus de 20 000 km2, dans les secteurs de Kingupura et Miguruwe. La Rufiji River sert de frontière entre côté photo à l'ouest et côté chasse à l'est.
Carte de Africa Geographic (excellente) agence de safaris africains
Ci-dessous carte de la Zoologische Gesellschaft Frankfurt qui met en œuvre un projet de protection de la nature au Selous GR/Nyerere NP.
Écosystème
Le Selous GR couvrait avant sa scission plus de 50 000 km², et il était/est également bordé de zones (plus ou moins) protégées : les deux parcs nationaux de Mikumi au Nord et Udzungwa au Nord-Ouest, la Game Reserve de Kilombero (5 300 km²) à l'Ouest et huit "Open Area" qui couvrent près de 35 000 km². Les Open Areas permettent l'habitation et la chasse par les habitants, les Game Reserve (comme Selous GR/Nyerere NP) interdisent le peuplement, seuls sont autorisés les hébergements et la chasse "touristiques". L'ensemble de ces zones protégées constitue ainsi un écosystème du Selous GR/Nyerere NP estimé entre au minimum 73 000 et au maximum 92 000 km². Le survol aérien pratiqué en 1989 a permis de donner la valeur (si précise !) de 78 560 km² !
Comme la plupart des autres parcs et réserves parcourus par une rivière, le Selous GR/Nyerere NP comporte des marais, des plaines inondables, mais il a aussi de nombreux lacs qui correspondent à des bras morts de la Rufiji River. Celle-ci est le plus grand fleuve d'Afrique de l'Est, elle traverse la réserve d'ouest (sud-ouest) en est (nord-est), partant des 1 300 m des Monts Mbarika pour déverser 800 m3 (en moyenne) par seconde dans l'Océan Indien en face de l'île de Mafia. Elle a notamment comme affluents la Great Ruaha River et la Luwego River. Le contraste entre la rivière Rufiji qui coule toujours, même en saison sèche, et le désert aride qui l'entoure est énorme, les arbres secs qui paraissent morts renaissent en fait avec l'arrivée des pluies en mars et novembre. La Rufiji passe dans les célèbres Gorges de Steigler qui étaient jusqu'à maintenant un lieu d'excursion assez habituel.
C'est là qu'est construit depuis 2019 un barrage hydro-électrique, le Stiegler's Gorge Hydroelectric Power Station qui devrait être achevé en 2022. Ce barrage de 134 m de haut, qui sera construit par une société égyptienne (ou chinoise ?) avec des crédits chinois, devrait coûter 10 milliards de dollars contre les 3,5 milliards prévus. Il procurera certes une énergie très bienvenue à la Tanzanie avec une production de 2 100 Mégawatts mais en plus d'endetter très fortement et durablement la Tanzanie et de la rendre dépendante de ses débiteurs, il noiera 1 350 km2 de la réserve sous 35 millions de m3 et bouleversera aussi toute la vie en aval de la rivière, notamment la mangrove de son delta, qui est actuellement la plus grande au monde.
Végétation
Le Selous GR/Nyerere NP compte plus de 2 100 espèces végétales. La forêt miombo (constituée en grande partie d'arbres du genre Brachystegia, dont le nom swahili est... miombo, et d'arbres du genre Julbernardia couvre près de 75 % de la surface de la réserve. Ce sont des arbres sans épines et à feuilles caduques. La forêt miombo "sèche" présente la particularité d'être grise et comme morte en saison sèche et flamboyante et verdoyante en saison humide ! Elle est régulièrement "dévastée" par les éléphants qui y tracent de larges saignées et y créent des clairières. En fait, leur rôle est écologiquement utile (la nature est bien faite, tant que nous ne lui mettons pas de bâton dans les roues !) car ils permettent aux autres animaux de coloniser la forêt et ils contribuent à ce que celle-ci ne s'auto-étouffe pas et n'épuise pas les sols... Les autres essences d'arbre sont des genres Dyplorhynchus en sous-bois en zones denses et Combretum, dans les espaces plus ouverts, il y aussi quelques palmiers doums et borassus. Il existe aussi des zones boisées à épineux, principalement Acacia drepanolobium et Terminalia spinosa aux noms évocateurs. D'autres types de végétation sont rencontrés, prairies inondables, forêt riveraine, "chipya" : prairie boisée avec des espèces résistant au feu, des herbes hautes, voire très hautes, parfois plus de 2 mètres et "mbuga" plaines inondables à herbes courtes et au sol noir, black cotton soil, très difficile à franchir lorsqu'il est imbibé d'eau. Les incendies naturels sont fréquents en saison sèche et touchent particulièrement le miombo.
Les prairies ont comme graminée dominante Panicum infestum, un nom évocateur, s'pas ? Des incendies naturels se produisent chaque année en fin de saison sèche et touchent les herbes sèches et hautes des plaines inondables, il faut dire que certaines graminées, "tussock grass", herbes en touffes, peuvent monter jusqu'à trois mètres ! Elles sont ainsi, comme la forêt miombo, impénétrables à quiconque n'est pas un éléphant !
La partie "chasse photo" avant 2019 de la réserve (en jaune). Les blocs de chasse passent eux de 40 à 10 en 2019
Grande faune du Selous GR/Nyerere NP
Selous GR/Nyerere NP est sans doute avec Mana Pools au Zimbabwe l'endroit d'Afrique où l'on a le plus de chance de rencontrer des lycaons et rien que cela devrait en faire une destination obligatoire pour les amoureux de la faune africaine ! Le Selous GR/Nyerere NP compterait plus du quart de la population mondiale de lycaons qui est estimée à 3 000 têtes.
Les antilopes, bushbucks, koudous, lions, éléphants et autres girafes fréquentent régulièrement les rivages. La population d'éléphants s'était reconstituée, après avoir chuté en moins de dix ans de plus de 100 000 en 1980 à 30 000 en 1989. Elle ne serait plus que de 15 000 en 2015 ! La chasse officielle fait des prélèvements limités et raisonnés et est censée réduire très fortement le braconnage, qui malheureusement semble reprendre de l'ampleur avec des autorités qui fermeraient les yeux pour approvisionner en ivoire la valise diplomatique d'un très grand pays d'Asie. Il faut dire qu'un certain nombre de blocs de chasse n'ont pas été attribués et sont tombés en déshérence, facilitant l'activité des braconniers. Du fait de la chasse, autorisée ou non, les animaux, même dans la partie "photographique" sont plus méfiants et moins faciles à approcher que dans le Nord tanzanien.
Les lions du Selous ont des crinières peu fournis et un corps au poil rare et court, sans doute du fait de la chaleur. Cela ne concerne pas que les 4 000 (?) lions, d'autres mammifères comme les gnous du Selous GR/Nyerere NP, les buffles (on a parlé de 150 000 et même de 200 000) sont également bien peu poilus ! Et je ne parle pas des 40 000 hippos ou des 50 à 60 000 éléphants (précédemment d'après l'UNESCO 106 300, c'est précis, non ? en 2020 on peut craindre de devoir diviser ce nombre par 8 ou 10), la plus forte concentration d'Afrique :) ! La faune de mammifères comporte aussi zèbres, hippotragues noirs, impalas, , grands koudous, bubales, girafes, phacochères, élands du Cap, cobes de diverses espèces, hyènes, etc. et même il y aurait quelques très rares guépards. Quant aux aussi très rares rhinocéros dont le braconnage a réduit le nombre de plus de 3 000 en 1981 à environ 200 (ou moins ?), leur éparpillement dans les zones non touristiques interdit presque tout espoir de les voir dans le Selous GR/Nyerere NP.
Outre sa large population d'hippos, de crocos et d'oiseaux aquatiques, pêcheurs ou limicoles, la Rufiji est riche en poissons et peut donner lieu à d'exotiques parties de pêche.
Oiseaux du Selous GR/Nyerere NP
En dehors des lycaons et des éléphants qui ont fait sa célébrité internationale (sa célébrité nationale tient plutôt à ses lions mangeurs d'homme), le photographe de piafous ou l'ornithologue peuvent se régaler au Selous GR/Nyerere NP. En effet, avec plus de 440 espèces, l'avifaune est richement représentée et facilement observable, particulièrement de novembre à mars où les amateurs peuvent bénéficier et des plumages nuptiaux des piafous résidents car c'est leur période de nidification et de la présence des migrateurs venus du paléarctique occidental. Parmi les migrateurs "intéressants", on peut citer le superbe Guêpier carmin, Merops nubicoides, Southern Carmine Bee-eater, présent entre décembre et avril. On peut rencontrer des espèces rares ailleurs en Tanzanie comme la Pintade de Pucheran, Guttera pucherani, avec sa coiffure de punk... Le Selous/Nyerere est aussi le lieu idéal en Tanzanie pour voir (presque) à coup sûr le Guêpier de Böhm, Merops boehmi, Böhm's Bee-eater, qui niche notamment dans les rives sableuses près du Rufiji River Camp. Ce serait aussi le seul endroit de Tanzanie où l'on peut voir la Glaréole auréolée, Glareola nuchalis, Rock Pratincole (si l'on a de la chance, en cinq safaris nous n'en avons jamais vu). C'est aussi un bon choix pour observer le Bec-en-ciseaux d'Afrique, Rynchops flavirostris, African Skimmer, qui écume/écrème la surface des lacs de... son bec en ciseaux, en bon Skimmer qu'il est. Les safaris en bateau sur la Rufiji sont particulièrement intéressants pour l'amateur de piafous, avec divers hérons, dont le Héron goliath, Ardea goliath, Goliath Heron et divers martins-pêcheurs, dont le Martin-pêcheur géant, Megaceryle maxima, Giant Kingfisher. Une liste de 2003 des oiseaux observables dans la réserve/le parc peut être consultée ici.
Wildlife Corridor Selous GR (Nyerere NP)-Niassa
Aussi grande soit-elle, la réserve de gibier du Selous GR/Nyerere NP (ou le parc national Nyerere) ne l'est pas assez pour que nos dizaines de milliers d'amis pachydermes satisfassent leurs désirs de bougeotte ! Eh oui, malgré ses 52 000 km2 les éléphants se sentent parfois à l'étroit dans la réserve ! Un corridor la reliant au Mozambique leur a donc été alloué, le Selous GR/Nyerere NP Niassa Wildlife Protection Corridor qui agrandit donc leur déjà conséquent territoire de jeu de 42 000 km2 (plus les 17 000 du corridor lui-même). Ce couloir, qui permet leurs déplacements entre la Niassa Game Reserve au Mozambique et le Selous GR/Nyerere NP, a été à l'étude pendant de nombreuses années et a enfin été mis en service. Il fait 60 km de large et l'on a pu constater qu'il était emprunté non seulement par les éléphants mais par beaucoup d'autres herbivores, et même par des espèces réputées sédentaires comme les grands félins.
Cette bonne nouvelle est hélas compensée par les menaces qui pèsent sur la réserve : la construction du barrage sur la Rufiji et l'exploitation minière au sud de la réserve (mines d'uranium). Comme signalé plus haut, l'UNESCO a émis des observations sur ces projets qui menacent la pérennité de l'inscription du site au Patrimoine mondial de l'Humanité. Le braconnage a hélas repris ces dernières années, avec de hautes complicités, semble-t-il... et une exportation vers l'Asie, on a parlé de la valise diplomatique d'un pays asiatique très influent en Afrique.
Affaire à suivre !