Guépard, le lévrier de la savane
Malgré sa taille de guêpe et sa couleur jaune marquée de noir, ce n'est pas de notre hyménoptère que notre ami tient son nom, celui-ci vient de l'italien gatto, chat et pardo, panthère qui ont donné gattopardo, francisé en notre "guépard". Pour une étymologie plus savante, je laisse le clavier à l'irremplaçable T.L.F. :
" Empr., par l'intermédiaire de la lang. franque de l'Afrique du Nord, à l'ital.gattopardo, attesté dep. début XVII e s. ( MICHEL - ANGE ds BATT .) et composé de gatto (chat1 *) et de pardo (chat-pard*) : un empr. direct à l'ital. "
Guépard
Guépard Acinonyx jubatus Cheetah. Fiche du guépard
Classification
Ordre des Carnivores, famille des Félidés
Il existe trois sous-espèces de guépards, une en Afrique de l'Est, la "nôtre", Acinonyx jubatus raineyi, une en Afrique du Sud,Acinonyx jubatus jubatus (avec un grand guépard, le Guépard royal) et la sous-espèce asiatique Acinonyx jubatus venaticus qui est quasiment disparue et ne subsiste qu'au Kazakhstan.
Noms
scientifique : Acinonyx jubatus
français : guépard
anglais : cheetah
swahili : duma
Morphologie
Madame Guépard a une hauteur au garrot de 65 à 95 cm contre 71 à 100 cm pour Monsieur Guépard et un poids de 30 à 45 kg contre 40 à 65 pour Monsieur. La longueur sans la queue est de 110 à 135 cm. Espérance de vie de moins de 10 ans en liberté à plus de 15 en captivité.
Le guépard est un félin à part, il a l'aspect d'un lévrier greyhound, très levretté avec sa poitrine étroite mais profonde, son ventre creusé. Il ne possède pas de griffes rétractiles, sans doute une adaptation à la course, comme les pointes d'un sprinter. Ses coussinets plantaires participent aussi à une meilleure adhérence pour la course. Son corps est le moins massif de celui des grands chats (et des moins grands), levretté donc, limite dégingandé, il paraît taillé pour la course, ce qui, heureux hasard est la manière de chasser de notre tacheté. Sa tête, moins puissante que celle des lions et léopards, est ornée d'un larmier entre oeil et narine. Sa mâchoire et ses membres moins puissants que ceux des cousins lion et léopard, son absence de griffes rétractiles coupantes comme des rasoirs, ne lui permettent pas de postuler à des proies comme zèbres, buffles, et même pour tuer un gnou, il faut une équipe de deux ou trois guépards.
Le guépard est l'animal terrestre le plus rapide, avec plus de 100 km/h en pointe, sans aucun dopage d'aucune sorte... En deux secondes, il est à 75 km/h et en pointe atteint, selon les sources, 90 à 100 km/h, 112 km/h ou, même, délire de Routard 150 km/h, chiffre évidemment hautement fantaisiste. Il a été scientifiquement constaté une vitesse de 29 mètres par seconde soit 103 kilomètres/heure, ce qui est déjà fantastique, non ? Quelles qu'elles soient précisément, il est évident que soutenir de telles vitesses plus que quelques centaines de mètres (2-300) est impossible à notre ami guépard. La récupération est longue, il peut se passer des dizaines de minutes avant que notre ami puisse jouir du fruit de ses exploits de sprinter des savanes et il est particulièrement vulnérable pendant cette période, ce que tous les charognards parasites comme lions, hyènes savent bien mettre à profit. C'est ainsi qu'il ne profite pas à plein de son taux de succès remarquable de 40 à 70 %, juste dépassé par celui du Lycaon. Une fratrie de deux ou trois guépards a plus de chance de préserver le fruit de son labeur, car moins fatigués, plus aptes à défendre leur butin, l'union fait la force ! Nous avons ainsi vu les trois frères de Masai Mara tenir tête et même chasser un petit groupe de hyènes qui voulaient leur chiper leur gnou, non mais !
Alimentation
Le guépard est un carnivore exigeant, son mode de chasse à la course à vue est particulièrement dépensier en calories. Un adulte doit manger 3 kg de viande par jour. Pour cela notre coursier des savanes s'adresse en priorité aux petits mammifères herbivores comme gazelles de Thomson, sa proie préférée, dik-diks, impalas, jeunes phacochères et gnous. Il ne crache pas sur les oiseaux marcheurs, outardes et pintades, sur les lièvres ou même les chacals. À plusieurs, des proies plus rentables peuvent être chassées, comme des gnous adultes ou des jeunes zèbres. Nous avons vu à Masai Mara les fameux "trois frères" chasser avec succès un gnou avec une technique très au point, attaque de diversion de deux des frères et kill (mise à mort) par un troisième en embuscade.
Un handicap pour notre athlète, c'est que ses performances sont connues du public, ainsi la distance de fuite des gazelles qui est de 50 à 300 m devant les lions est portée à 300-1500 m pour les guépards.
La proie repérée depuis un endroit élevé, termitière, parfois capot de voiture, est approchée puis est poursuivie sur une assez courte distance. En moyenne, une chasse de guépard se fait sur 150 à 300 m et dure 20 secondes (au maximum une minute). La mise à mort de la proie est moins facile que pour les grands cousins lion et léopard. La force du guépard ne lui permet pas de briser la colonne vertébrale comme le feraient ces derniers, la proie doit être étouffée dès qu'elle atteint une certaine taille.
Haletant, il doit souvent attendre d'avoir repris haleine pour commencer à consommer sa proie. Le taux de réussite des chasses du guépard est excellent, le plus élevé des prédateurs de la savane juste après le lycaon qui a l'avantage de chasser à courre en meute. Mais quand hyènes, lion ou léopard décident de spolier notre pauvre tacheté épuisé par ses efforts, il n'essaie même pas de résister et abandonne sa proie sans plus de manière. La donne change quand le kill est collectif, trois guépards non fatigués tiennent en échec une petite troupe de hyènes et l'un d'eux peut même se permettre, comme signalé plus haut, d'en poursuivre une. L'association entre deux ou trois frères ne permet pas seulement de s'attaquer à des proies de plus grande taille mais aussi d'utiliser des stratégies élaborées et ainsi de s'économiser. Avec une fratrie qui est de taille à résister victorieusement à trois ou quatre hyènes, le repas peut alors commencer immédiatement.
Un corollaire est que faire rater une chasse à un guépard en le scotchant peut lui nuire gravement, c'est un chasseur diurne contrairement à ses cousins, et avec une chasse très énergétivore son taux de réussite final (proie consommée et pas volée) est suffisamment peu élevé pour que la moindre occasion manquée risque d'être dramatique.
Le gnou semble sauvé, mais un des frères en embuscade va l'intercepter. Masai Mara 2008
Un autre mode de chasse, pratiquée également pas les hyènes, les chacals, est beaucoup moins coûteux en efforts... Il s'agit, dans les périodes de naissance des petites antilopes, gazelles et impalas, de fureter et de chercher les nouveaux-nés que la mère cache dans un buisson et qu'elle ne visite que pour les allaiter. Cette billebaude permet d'attraper des proies certes petites mais bien tendres... Mais pas de taille suffisante pour élever une vorace petite famille.
Territoire
Zones découvertes, savanes, en dessous de 1800-2000 m, le guépard apprécie les positions en hauteur qui lui permettent de repérer proies et ennemis... Il ne grimpe pas (ou rarement, quand c'est facile) dans les arbres, contrairement à ses cousins lions et surtout léopards, escaladeurs émérites. En revanche une voiture peut constituer un poste d'observation tout à fait adéquat ! Son territoire de chasse est très vaste, on compte un guépard pour 100 km2.
Mœurs de guépard...
C'est un animal essentiellement diurne et solitaire pour les femelles, ou mère avec ses petits de moins de 18 mois. Les mâles peuvent vivre en "coalition" de 2 ou 3 individus, le plus souvent des frères de la même portée. Dans le Serengeti on a recensé 40 % de guépards solitaires et 60 % qui vivent en duos ou trios.
On peut le photographier dans la journée, couché sur une termitière ou autre éminence qui lui sert de poste de guet, ou bien couché dans les herbes, il est peu farouche, cf. photographies de guépards perchés sur des 4x4... mais il ne faut pas en abuser.
Reproduction du Guépard
Madame Guépard accouche après trois mois de gestation d'une portée de 2 à 8 petits, en moyenne trois. Les bébés guépards naissent aveugles et sourds, ils pèsent moins de 500 grammes à la naissance et sont évidemment très vulnérables pendant que leur mère les quitte pour chasser. Un des gros soucis de Maman Guépard est de trouver des cachettes fiables pour ses petits. Un petit sur trois seulement arrive à l'âge adulte, plus que les maladies, ce sont les attaques par les autres grands carnivores prédateurs, lions, léopards et hyènes qui en sont responsables : ils seraient responsables de 3/4 des décès de jeunes guépards. Ceux-ci ont une fourrure particulière, avec une sorte de crinière sur la ligne dorsale, qu'ils perdent après 6 mois. Les jeunes guépards restent avec leur mère jusque vers dix-huit mois, ils peuvent se reproduire avant leurs deux ans. Les femelles adultes vivent seules ou avec leurs petits, elles ne bougent pas de leur (vaste) territoire. Les mâles adultes, qu'ils vivent seuls ou en fratrie, ont plus la bougeotte, ou volontairement ou parce qu'ils sont chassés de leur territoire par un autre mâle (ou une autre fratrie).
La reproduction des guépards en captivité est difficile.
L'espérance de vie des guépards en liberté est d'une dizaine d'années au mieux .
Conseils "guépard" : où le trouver ?
Par ordre décroissant de chances de trouver notre beau tacheté :
Serengeti NP > Ngorongoro Conservation Area (Ndutu>cratère)>Tarangire>Ruaha>Mikumi.
On en aurait vu un ou deux à Katavi, mais dans des zones du nord non visitées habituellement. La présence est possible à Mkomazi, Arusha NP mais pas établie. La présence est douteuse ou nulle à Rubondo Island, Saadani, Udzungwa, Kitulo, Gombe, Mahale, au moins dans les endroits visités.
Au Kenya, Masai Mara est un must, avec garantie à 100 % (enfin presque...) de trouver notre beau chat en une journée de safari sur place.
Conseils "guépard" : prudence !
Le guépard est un animal particulièrement facile à repérer, posté qu'il est sur un monticule, une termitière, même un capot de voiture. Ce grand timide se laisse facilement approcher, côtoyer .
Traduction : préservez-le, ne l'approchez pas de trop près, pas à moins de 25 m [excessif ?], pas plus de 5 voitures près de lui, n'appelez pas les autres véhicules,
ne restez pas trop longtemps près de lui, parlez pas fort et ne vous interpelez pas entre voitures, restez en permanecne dans vos voitures,
en un mot, ne l'importunez pas et merci pour lui !
Le guépard est facile à photographier, il est peu farouche, prend bien la pose, est particulièrement photogénique avec ses taches, sa longue queue, ses attitudes de gros minet. Michel Denis-Huot connaît très bien les guépards, comme en témoigne magnifiquement le livre "La Savane au fil des saisons" qu'il a réalisé avec Christine, sa femme. Il pense que contrairement à une idée répandue, ceux-ci ne sont pas si gênés que ça par les voitures de safaris. Il est évident qu'il connaît le sujet comme personne, il ne doit pas y avoir grand monde en France ou ailleurs qui ait passé autant de temps à les observer, et donc je le crois. Ce qui n'empêche pas d'être prudent et attentif, à éviter les accidents, à ne pas scotcher à plusieurs voitures un malheureux minet, à ne pas gêner une action de chasse... Ou pire... En 2008 à Masai Mara des bébés guépards ont été écrasés par un 4x4, alors prudence, prudence ! Merci pour eux... Je conseille le respect des consignes de réserve ci-dessus qui ne peuvent de toute façon pas nuire !
Statut de l'espèce
Le statut UICN du Guépard est : "Vulnerable A2acd; C1" vulnérable, donc un peu mieux loti que le lycaon. Le Guépard est également inscrit à l'annexe I du CITES. Le Guépard asiatique, lui, est classé Critically Endangered.
Présent en Asie autrefois, actuellement le guépard est localisé maintenant uniquement en Afrique subsaharienne. Il en resterait moins de 15 000. Leur survie est affectée par la concurrence des autres prédateurs, la prédation qu'ils exercent aux dépens de ses jeunes (et des adultes, si opportunité) et surtout par les vols de leurs proies. Le Guépard souffre aussi d'une très faible variabilité génétique qui peut nuire à sa reproduction et le fragiliser devant les maladies. Au Serengeti 10 % des proies des guépards leur sont dérobées, jusqu'à 50 % dans certains cas. La diminution de taille des réserves où il est cantonné, les troubles civils et les conflits armés, le braconnage sont les facteurs les plus importants de son déclin, même si l'on a envisagé aussi des causes naturelles comme la consanguinité et la présence d'autres prédateurs mieux adaptés aux écosystèmes actuels. Le commerce de la fourrure a porté une part de responsabilité du déclin de l'espèce. Il est maintenant interdit à peu près partout mais un trafic clandestin a existé, on a saisi chez un fourreur de New York 2000 peaux de guépards ! Ce alors que la population actuelle est estimée à moins de 7000 ! On estime le nombre de guépards en tanzanie à 1 180 dont 2 à 300 dans le Serengeti.
Ci-dessous la carte UICN (2020) :
Bibliographie "Guépard"
La savane Au fil des saisons de Christine et Michel Denis-Huot (2004) Éditions de la Martinière Paris la vie d'une famille guépard au Kenya à Masai Mara pendant un an : une merveille !
Autre ouvrage des deux mêmes excellentissimes photographes animaliers, ce livre se partage entre les deux grands chats tachetés, Guépard et son cousin Léopard
Nomades de la Plaine Infinie de Grégoire Bouguereau (2013) Viemages Éditions. Le très talentueux auteur, Grand Prix 2013 de Montier-en-Der, a suivi des nomades relatifs, puisqu'il s'agit non des gnous, zèbres et associés de la grande migration mais des guépards du Serengeti en Tanzanie
CHEETAHS Biology and Conservation Philip J. Nyhus, Laurie Marker, Lorraine K. Boast et Anne Schmidt-Küntzel Elsevier, Londres, 2018, 571 pages La bible scientifique sur le Guépard, biologie, éthologie, conservation, menaces, captivité, tout y est traité. Un peu cher (>75 €), mais c'est un must pour tout amoureux du Guépard désireux de tout savoir sur ce merveilleux animal.